Marcel Khalifé (
1950, Amchit,
Mont-Liban) (
مارسيل خليفة) est un
Compositeur libanais,
Chanteur et
Oudiste, considéré comme palestinien en
Palestine, libanais au
Sud-Liban, il se voit lui-même comme un
musicien arabe. De
1970 à
1975, il étudie puis enseigne le
Oud au conservatoire de
Beyrouth. En
1976, il crée l'ensemble
Al Mayadeen et devient internationalement célèbre, notamment pour ses chansons
Oummi (
Ma mère ),
Rita w'al-Bundaqiya (
Rita et le fusil ) et
Jawaz as-Safar (
Passeport ), inspirées des poèmes de
Mahmoud Darwich.
Il reçoit le Palestine Award de la musique et donne l'argent de la récompense au Conservatoire National de la Musique de l'Université de Beir Zeit en Palestine. En 2005, il est nommé artiste de l’UNESCO pour la paix par le Directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura en « reconnaissance de son engagement fervent et généreux en faveur du patrimoine musical ».
Ses deux fils, Rami et Bachar sont aussi des musiciens. Le premier est pianiste le second percussioniste.
Biographie
Les débuts
Marcel Khalifé,
chrétien maronite, est né en
1950 à Amchit, un petit village sur la Côte au Nord de
Beirouth. Son grand-père était pêcheur et joueur de flute. Il vécut parmi les pêcheurs, les paysans et les
tsiganes, dans une ambiance à la fois musulmane et chrétienne :
« J'avais l'habitude d'aller à l'église et d'écouter de la musique chrétienne, ainsi que des récitations islamiques du Coran. Au Liban, nous avions un mariage des cultures islamique et chrétienne. Cela m'a beaucoup aidé à former ma prise de conscience musicale. »
Il prit ses premières leçons de musique avec un militaire à la retraite, instituteur dans son village, Hanna Karam, qui après quelques mois conseilla aux parents du jeune garçon de le laisser continuer à apprendre la musique. Sa mère mourut d'une maladie grave à cette époque.
Il étudia l'Oud au Conservatoire National de Musique de Beirouth. Instrument aux techniques strictes, Marcel Khalifé en explora et développa les possibilités.
De 1970 à 1975, il enseigna au Conservatoire National de Musique de Beirouth, ainsi que dans d'autres institutions locales et commença à faire des tournées dans les pays arabes, l'Afrique du Nord, l'Europe et les États-Unis, donnant des concerts de Oud en Soliste. À Beirouth, il découvrit la situation des palestiniens, passant près d'un camp de réfugiés palestiniens lorsqu'il allait au Conservatoire :
« Quand j'allais au Conservatoire à Beirouth, j'avais l'habitude de passer dans les camps de réfugiés palestiniens. Je me demandais pourquoi ces gens vivaient dans des maisons construites en zinc, quelles étaient les circonstances qui les ont amené à vivre dans ce genre de pauvreté. Des familles libanaises vivaient là aussi, me direz-vous. Je décidais d'en apprendre plus à propos des palestiniens, et d'apprendre comment ils avaient perdu leurs terres, et leurs droits en Palestine. Je devins un soutien car leur cause en était une juste. Jusqu'à maintenant, je n'ai jamais hésité à faire n'importe quoi pour montrer ma sympathie pour cette grande cause. »
En 1972, Marcel Khalifé créa un groupe dans son village natal afin de revivifier son héritage musical et la chorale arabe. Les premières tournées ont lieu au Liban pendant la guerre civile libanaise en 1975. Il risque sa vie en jouant dans des salles, malgré les risques de bombardements. Avec l'ensemble Al Mayadeen, risquant les balles perdues, il sort dans les rues pour chanter :
« Au début de la guerre, j’ai vu des combattants tirer un cadavre, allongé par terre, attaché à une voiture. Les os, la chair, se frottaient contre le sol. L’atrocité de la scène a provoqué, chez moi, une rupture avec là où je vivais. J’ai quitté Amchit, dont les habitants n’arrêtaient pas de critiquer mon père à cause de mes positions politiques. J’aime laisser les fenêtres ouvertes. »
L'ensemble Al Mayadeen
Son oeuvre musicale combine la musique arabe avec des instruments occidentaux comme le
Piano. Il utilise la poésie arabe moderne (comme celle de
Mahmoud Darwich) et les muwashahat (musique d'
Andalousie). Il compose et chante les poèmes du poète palestinien
Mahmoud Darwich, chansons sur le
Nationalisme et la
Révolution.
L'ensemble Al Mayadeen est formé en 1976. Al-mayadeen est le pluriel de maydan, qui signifie à la fois champ de bataille et place de village, lieu de festivités, mariages, chant et danse. Fort de l'expérience des ensembles musicaux précédents, Al Mayadeen devient célèbre bien au-delà des frontières libanaises, notamment pour ses chansons qui deviennent populaires Oummi ( Ma mère ), Rita w'al-Bundaqiya ( Rita et le fusil) et Jawaz As-Safar (Passeport), inspiré de poèmes de Mahmoud Darwich. Le groupe se produit dans les pays arabes, l'Europe, les États-Unis, le Canada, l'Amérique latine, l'Australie et le Japon.
Marcel Khalifé a été l'invité de festivals de renommée internationale tels que Baalbek, Beiteddine (Liban), Carthage, Hammamet (Tunisie), Timgad (Algérie), Jarash (Jordanie), Opéra du Caire (Égypte), Arles (France), Krems, Linz (Autriche), Bremen (Allemagne), Festival International de Musique à San Francisco, New York, Cleveland (USA), il se produit dans des salles prestigieuses: ´la Place des Arts´ à Montréal, ´Symphony Space´, ´Merkin Concert´, ´Berkeley Community Theatre´ à New York, ´New England Conservatory´ à Boston, ´Royal Festival Hall´, ´Queen Elizabeth Hall´ à Londres, ´Palais de l'UNESCO´ de Beyrouth, ´Salle de l'UNESCO´, ´Mutualité´, ´Maison des Cultures du Monde´ à Paris, ´Centro Dionysia´ à Rome, ´Yerba Buena´ à San Francisco, ´Sõdra Teatern´ à Stockholm ainsi que le Festival de Fès des musiques sacrées du monde.
OEuvres instrumentales
Depuis
1974, Marcel Khalifé participe à la composition musicale de
spectacles de
Danse renouvelant le ballet oriental populaire (Caracalla, Groupe Sarab, Rimah, Groupe d'Art Populaire) et participe à la composition de musique de films.
Ses dernières oeuvres musicales sont purement instrumentales La symphonie du retour, Chronique concertante intitulée L’élégie de l’orient, Concerto Al Andalus suite pour Oud et Orchestre, Moudaa’ba (Caresse), Diwan Al Oud, Jadal, duo Oud, Quatuor Oud, l’écoute Al Sama’ dans les formes classiques arabes, Takassim, duo Oud/Contrebasse. Sa musique fut jouée par plusieurs orchestres notamment l’Orchestre symphonique de Kiev, l’Orchestre du Conservatoire de Boulogne-Billancourt, The San Francisco Chambre Orchestra, l’Orchestre de la ville de Tunis et l’Absolute Ensemble. De nombreux musiciens sont passés sous sa plume. Certainement l'un des plus brillant est le trompettiste libanais Ibrahim Maalouf.
« Je me réalise plus dans la musique qu'en chantant. Cette tendance est évidente dans plusieurs de mes oeuvres, la dernière étant Concerto pour Oud. »
« Quand le texte est absent, je me sens plus à l'aise en composant la musique, bien que ce besoin ne suggère pas que j'ignore le chant, qui est essentiel pour moi. Mon vrai intérêt rédise plutôt dans la composition. C'était présent dans mes compositions antérieures comme Rita, Aaras (Mariages) et Tusbahouna ala Watan (Ode à la patrie). Chacune d'elles étaient une composition musicals et pas seulement de la musique écrite pour des chansons. Dans ces oeuvres, quand les paroles s'arrêtaient, la musique continuait, et quand je sentais que les paroles étaients incomplètes, elles étaient complétées par la musique. »
En
2005, Marcel Khalifé informa la presse que sa musique et ses chansons étaient interdites sur les chaines TV et radio tunisiennes. Il aurait indisposé les autorités en Août pendant un concert à
Carthage quand il fit une dédicace aux arabes emprisonnés en
Israël ainsi que dans les
pays arabes. Il s'exprima aussi en faveur des droits des activistes politiques qui firent une grève de la faim pendant le Sommet International sur la Société de l'Information à
Tunis en Novembre
2005.
L'affaire Ana Yussef, ya Abi
Par trois fois (
1996,
1999 et
2003, Marcel Khalifé fut poursuivi pour sa chanson
Je suis Joseph, Oh Père, écrite par le poète palestinien
Mahmoud Darwish. Khalifé fut accusé d
insulter les valeurs religieuses en incluant deux lignes de versets d'un chapitre du Coran.Khalifé avait enregistré la chanson dans un album en 1995 "The Arabic Coffee Pot". La chanson était basé sur un poème de 1992 du célèbre poète palestinien, Mahmoud Darwish. Le poème adaptait ce verset du Coran sur l'histoire de Joseph : « Oh mon père, j'ai vu 11 étoiles, et le soleil et la lune s'incliner devant moi en hommage. » Le poème raconte l'histoire des frères jaloux de Joseph, homme gentil et bon, ses frères le détestent pour ses qualités. L'histoire reflète les souffrances du peuple palestinien.
En 1999, l'affaire fut porté devant les tribunaux par le fraîchement nommé procureur, Abdel Rahman Shihab, qui reprochait à Marcel d'« insulter les valeurs religieuses en utilisant un verset du chapitre du Saint Coran sur Joseph dans une chanson. ». Le chanteur et compositeur risquait de six à trois ans de Prison pour insulte publique de la Religion (article 474 du Code pénal libanais) et Blasphème (article 473 du Code pénal, un mois à un an d'emprisonnement).
Les clercs musulmans sunnites du Liban attestèrent que chanter des versets du Coran était « absolument banni et non acceptable. » La plus haute autorité des sunnites, le grand mufti Sheikh Muhamed Rashid Qabbani, a plusieurs fois répété que Khalifé était coupable de blasphème pour avoir chanté un verset du Coran. Le Sheikh dit à ce propos : « Il y a une limite à la liberté d'expression. Une de ces limites et qu'on ne devrait pas transgesser les croyances religieuses des gens. »
Des manifestations de solidarités vinrent de tous côtés, intellectuels, organisations de défense des Droits de l'homme et gens ordinaires. Un meeting eut lieu à Beirouth, au cours duquel 2000 personnes chantèrent la chanson incriminée. Marcel Khalifé reçut le soutien du Cheikh Mohammed Hussein Fadlallah, un théologien chiite. Le fameux écrivain Elias Khoury critiqua violemment le Procès, tout comme Mahmoud Darwich, qui dit
« le Fondamentalisme est en train d'étouffer la culture et la création dans le monde arabe, je dis que c'est honteux. J'ai honte. Nous devrions tous avoir honte. Si Marcel Khalifé est reconnu coupable, ce sera une insulte pour la culture. »
Ghada Abu Karrum, le Juge en charge du procès, rejetta la demande du Procureur, et déclara innocent le chanteur.
« Même si, d'abord, la cour ne peut, dans aucune cironstance, se laisser aller à discuter si l'action du défendeur mentionné ci-dessus constitue une déviation des traditions islamiques et de ses prohibitions, il est nécessaire de noter que les sociétés humaines ont toujours connu - depuis l'apparition des religions jusqu'à nos jours - des comportements qui touchent à différents aspects de la vie et n'observant pas toujours les règles religieuses ou n'étant pas soutenu par elles sans pour autant constituer un viol du caractère sacré des textes religieux desquels ces règles ont émergé. »
« Ainsi, il est clair en écoutant les cassettes et CD que le défendeur a chanté le poème avec gravité et mesure qui révèle une profonde perception de l'humanisme exprimé dans le poème orné de la phrase sacrée. Il a accompli dans son oeuvre - dans la forme et le contenu - une performance qui ne contient aucune violation du caractère sacré du texte coranique, ni offense de celui-ci ou de son contenu, ni ne révèle aucune volonté d'inciter à la calomnie de celui-ci que ce soit explicitement ou implicitement, ni par les mots, le sens ou la musique. »
Livres
Depuis 1982, Marcel Khalifé écrit des livres sur la musique qui reflètent ses compositions avant garde et la maturité de son expérience.
En 1982, le compositeur a écrit une anthologie d'étude du oud en six parties. Le but des écrits de Marcel Khalifé est de rationnaliser les connaissances sur les traditions musicales arabes et de les développer.
« Nous, les arabes, n'avons pas d'histoire de notre musique. D'après moi, nous avons lié la musique au chant, et il est temps d'écrire à plat l'histoire de la musique, et pas seulement le chant. »
Son livre suivant sera Jadal Oud Duo, qui est :
« une tentative de trouver de nouvelles méthodes d'expression de la profondément enracinée spontanéité dans la musique arabe. C'est à un niveau artistique qui part du passé, présentant un challenge nouveau pour le compositeur et le musicien. Jadal apporte une richesse unique dans la musique arabe à travers la recherche d'une nouvelle loi d'esthétique pour remplacer l'ancienne. C'est une ouverture vers un territoire inconnu émanant du familier. »
Il a écrit également Samaa.
Films
Marcel Khalifé a composé la musique de films, documentaires et séries produits par
Maroun Bagdadi, Oussama Mohammed, Sophi Sayhf Eddin et Sami Zikra.
En 2002, des réseaux télévisés européens ont produit un documentaire sur Marcel Khalifé. Le documentaire, intitulé Voyageur, présente 33 sélections du répertoire de Marcel Khalifé, qui vont de compositions pour oud en solo, de vocales de poésie arabe à des compositions orchestrales, des ballets et des musiques de films.
Le Luth Sacrilège (Pierre Dupouey) est un autre documentaire sur le joueur de Oud produit par Ognon Pictures et Mezzo. Le documentaire raconte l'histoire du deuxième procès intenté contre Marcel Khalifé en 1998 pour blasphème et insulte à la religion à cause de la chanson Ana Yussef (Je suis Joseph).
Citations
« Nos lendemains sont incertains. D'autres ont franchi la galaxie et nous sommes encore à scruter l'astre le plus proche. L'avenir est devenu un mot embarrassant. Nous vivons sous le joug de régimes qui n'ont jamais été capables d'assurer l'avenir des gens. Il n'est pas sage de parler d'avenir alors que nous vivons dans le passé. L'éducation, la santé et la culture sont devenues des projets commerciaux que les responsables veulent privatiser. Nous sommes privés du droit de recherche, de travail et de production. Nous ne sommes pas en contact avec le monde moderne. »
« Le vrai croyant doit avoir cette quête permanente. Il n’est pas censé partir d’une certitude. »
« La liberté, la démocratie et le pain sont les choses qui manquent dans notre région. »
Références en anglais
- Marcel Khalife Discusses the New and the Old in Arabic Music in a Leading Literary Supplement: The Rationalization of Arabic Music, Translated and edited by Elie Chalala, Al Jadid magazine, Vol. 1, no. 1 (November 1995), http://www.aljadid.com/music/0101khalife.html
- Trial of famous lebanese singer to begin: Marcel Khalifa Faces Three Years in Prison, http://www.ifex.org/en/content/view/full/8827/?PHPSESSID=fa0c483828b20a9149317109a275dc02
- Music as a Mission: Marcel Khalife strums the heartbeat of the Arab world, http://www.cafearabica.com/issue1/stories/people/khalife3.html
- Lebanese singer banned in Tunisia, http://www.freemuse.org/sw11829.asp
- Biography, http://worldmusiccentral.org/artists/artist_page.php?id=1855
- Interview with Marcel Khalife, http://www.middleeastinfo.org/forum/index.php?showtopic=2238
Références en français
OEuvres
- Muda'aba/Caress
- Happiness
- Stripped Bare
- At The Border
- The Bridge
- Concerto Al Andalus
- Promises of the Storm
- Magic Carpet
- Jadal Oud Duo
- Arabic Coffeepot
- Summer Night's Dream
- Ode To A Homeland
- Peace Be With You
- Ahmad Al Arabi
- Ouzizi Abdelali
- Dreamy Sunrise
Liens externes